«Un livre efficace. Tous les dessins sont fulgurants et explosif», écrit dans la préface le caricaturiste français Plantu. Sur 128 pages, Dilem revient sur l’actualité algérienne sur trois thèmes : la politique, les Algériens et la main de l’étranger. Ali Dilem, qui a produit presque 10 000 dessins en vingt ans de carrière, collabore également avec TV5 Monde. Algérie, mon humour est le troisième album après Dessine-moi le monde (2008) et Boutef président (2000).
-Algérie, mon humour est le titre que vous avez choisi pour le nouvel album de caricatures. Ne trouvez- vous pas que c’est un peu ringard comme titre ?
C’est très ringard ! Comme tout titre, il doit être consommable, identifié par rapport à quelque chose. Ce titre est lié à la chanson Algérie, mon amour (de Bâaziz, ndlr). C’est facile à retenir. Je me suis dis, pourquoi pas, juste pour marquer une différence, faire un contre-pied !
-Pas de révoltes arabes dans votre album …
C’est divisé par thèmes sur l’Algérie. Comme les révoltes arabes sont marquantes, j’ai décidé de leur consacrer un livre à part. Mais j’attends un peu car les événements vont très vite. Il y a une année, qui aurait parié sur la chute de Zine Al Abidine Ben Ali en Tunisie ou Hosni Moubarak en Egypte. Je me dis que rien ne peut être pire qu’une dictature. Cela dit, l’Algérien qui a vécu la tragédie des années 1990 est prudent. Je me dis que cela peut être un saut dans l’inconnu. Je souhaite que les événements à venir me démentent. Je suis un peu pessimiste. Malheureusement, la leçon algérienne n’a pas servi jusqu’à maintenant. Je ne souhaite pas une révolution en Algérie pour le dire franchement. Je voudrais que les gouvernants actuels partent. Abdelaziz Bouteflika doit être «classe» et comprendre qu’il a essayé de faire des choses. On lui dira merci. Mais, on doit aussi rappeler que Bouteflika est là depuis 1962
-Bien plus que les autres…
El Gueddafi a gouverné la Libye depuis 1969, Moubarak depuis 1981, pour l’Egypte et Ben Ali depuis 1987 pour la Tunisie. Pour l’Algérie, c’est depuis 1962 ! On a tendance à l’oublier ! Bouteflika était ministre lorsque Barack Obama, le président américain, avait neuf mois d’âge. Pouvez-vous imaginez cela ! Bouteflika est le contemporain de David Eisenhower (président des Etats-Unis entre 1953 et 1961, ndlr). Il serait temps qu’il quitte le pouvoir. A mon avis, le personnel politique existe. On doit arrêter de regarder l’Algérie comme un mélange entre islamistes, affairistes, généraux et Flnistes. Il y a quand même un parmi les 36 millions d’Algériens qui peut être président. Il faut donner de l’espoir aux Algériens. Pour cela, je suis optimiste.
-Comment les jeunes pourront-ils arriver au pouvoir ?
Je ne parle pas en termes de jeunes ou pas jeunes, mais en termes de capable et pas capable. Le jugement qu’on peut porter sur ceux qui se sont succédé au pouvoir en Algérie est : incompétence ! Nous voulons un gouvernant à même de gérer les affaires du pays. Qu’il ait 70 ans ou 35 ans importe peu. L’essentiel est qu’il ait les qualités de développer l’Algérie.
C’est une question de volonté et d’amour du pays aussi. Pour servir ce peuple, il faut d’abord l’aimer. Le stade terminal de ce régime a été atteint en 1965. Depuis, il est sous perfusion au propre et au figuré.
-Dilem dessine tout à Liberté …
Tout ce que je veux, oui. Je m’impose des limites par rapport à des tabous lourds tels que la religion ou le sexe. Cela dit, je ne me suis rien interdit jusqu’à aujourd’hui. Il y a des discussions sur les dessins, mais on ne m’a jamais empêché de publier ce que je voulais proposer aux lecteurs.
-Vous préparez un nouvel album sur les 50 ans de l’indépendance de l’Algérie!
Oui, avec Plantu. Il s’agit d’un regard croisé entre un dessinateur algérien et un dessinateur français sur l’histoire et l’actualité. Sinon, mon projet est le dessin de demain !
-L’album est dédié à Sid-Ali Melouah. Que représente-t-il pour vous ?
C’est une génération qui a aidé, aimé et accepté un jeune qui débarque dans le métier. Dans beaucoup de corporation, la solidarité entre générations n’existe pas. Sans Maz, Haroun, Sid- Ali et d’autres encore, je n’aurai jamais pu percer dans ce métier.
J’ai aussi une tendresse pour les dessinateurs arabophones. C’est une énorme injustice de ne pas voir Ayoub ou Bakki présent ici au SILA. A mon avis, Ayoub est le dessinateur le plus lu en Algérie. Je le dis avec fair-play.